Rencontre avec le Capitaine Nicolas « Athos2 » Intérieur droit, ancien leader de la Patrouille Maraud Fox sur Mirage 2000-5
Comment passe-t-on des Maraud Fox à la Patrouille de France ?
La démonstration tactique que nous réalisions avec les Maraud Fox était une parenthèse dans notre mission opérationnelle de défense aérienne et de police du ciel. Cette démo tactique représentait assez peu de vols pour nous. Nous n’étions pas des professionnels de la démonstration comme peut l’être la Patrouille de France. Donc il fallait quelque chose de simple, de visuel, mais qui rentre dans les manœuvres qu’on fait tous les jours. Il n’y avait pas d’évolutions compliquées, c’était beaucoup de bruit, des gros virages installés, techniquement ça ne représentait pas de difficulté. Ici notre métier nous amène à nous entraîner principalement pour cette spécificité qu’est la démonstration aérienne, on y consacre 100 % de notre temps, contrairement au Maraud Fox où nous avions réalisé uniquement cinq vols d’entraînement sur 2000-5.
Au niveau pilotage, comment s’est passé ce retour sur Alphajet ? Le pilotage à la Patrouille de France utilise beaucoup les trims.
A la Patrouille de France nous évoluons à huit dans un petit volume. Nous débutons notre formation à quatre (les 3 schtroumfs et le leader) et nous apprenons « la méthode Patrouille de France » au trim du leader. Quand il dit « cadence », on met un coup de cadence vers le haut. Le but est d’avoir un avion compensé parfaitement comme celui du leader afin que les efforts au manche soient minimes pour donner un aspect esthétique à la patrouille. Plus on va être à la main avec un effort soutenu au manche, plus on va créer d’oscillations, et particulièrement nous, les intérieurs, qui sommes les guides et donnons le tempo pour les ailiers extérieurs, si nous n’amenons pas de la stabilité, et bien nous allons créer de grosses ondulations en bout d’aile. Et vous verriez une patrouille qui vole comme un goéland. C’est notre travail particulier, en intérieur, d’être le plus stable possible au trim du leader. On a 150 vols d’entraînement (2 fois par jour) pour travailler et présenter un beau spectacle.
Donc vous touchez très peu au manche…
En fait, c’est cette méthode « Patrouille de France » qu’on apprend progressivement et qu’on appelle « être main ouverte ». L’avion est compensé si parfaitement qu’on effleure à peine les commandes pour le laisser dans sa trajectoire. C’est qu’au gauchissement où là on va imprimer un effort ; sur l’axe de la profondeur, on cherche vraiment toujours le trim parfait pour avoir l’effort minime et amener une stabilité à l’ensemble. Les avions sont tous trim déroulés et nous avons juste des corrections minimes à faire pour que les avions aient une tenue de place plus facile que si on était à la main avec un effort de 20-25 kilos au manche.
Il faut quasiment repartir à zéro…
C’est exactement ça, moi, j’ai connu l’Alphajet il y a longtemps, il me faut le réapprendre. On réapprend même à rouler !!! parce qu’a la Patrouille de France, par exemple, on roule à 50 mètres zéro zéro de l’autre si on est à 52 mètres, ce n’est pas beau car si le copain, derrière, est à 48 mètres, les avions n’ont pas le même écartement. Dès le début, dès le roulage, la mission commence. C’est oublier ses automatismes pour en acquérir de nouveaux et vraiment croire à la méthode éprouvée depuis 40 ans que nous avons l’AlphaJet. Nous avons notre bagage technique pour la sécurité, parce qu’il existe des situations non prévues et le bon sens que nous avons acquis avec les milliers d’heures de vols, nous permettent de faire quelque chose de logique.
La pente de progression à la Patrouille de France est impressionnante, en arrivant ici ; nous sommes mutés vers la fin août-début septembre pour faire une période d’observation ; nous volons place arrière sur les entraînements, sur les sites de meeting et sur les démos. Et je me suis dit «je ne sais pas pourquoi ils m’ont pris, c’est impossible ». En fait, la méthode est super bien faite parce qu’en cinq six mois, en partant de rien, juste d’un bagage aéronautique qui est différent. On arrive très rapidement à faire quelque chose qu’on ne s’imaginait pas faire.
Comment se construit la présentation de la Patrouille de France ?
La construction du programme est faite par le leader, son extérieur gauche et le premier solo (les deux plus anciens équipiers). Ils vont construire la série pour qu’elle soit la plus jolie possible, qu’il y ait des nouveautés par rapport aux autres années, que le public ou les passionnés comme vous, puissent retrouver de nouvelles figures. On essaie que la patrouille soit le plus présente possible dans l’espace devant le public. Dans le ruban, on est tous les 8 ensemble, il faut essayer de faire des replacements, garder de l’énergie pour le groupe, pour vous, pour tout le monde. Et après dans la partie synchro, c’est le premier solo qui va travailler le timing lors de la séparation des boxes afin qu’il y ait toujours sur la scène une entité de la Patrouille de France présente.
Prenez-vous en compte la vision du public depuis le sol ?
Oui, tout à fait, on travaille beaucoup avec le point central, on centre nos démos par rapport à ce point central. Il y a des positions que, si on les voyait d’un autre point de vue, ne seraient pas en place. Mais en fait, nous travaillons ces effets d’illusion vue du sol, de parallaxe pour le public.
Effet de parallaxe, je pense à la persienne par exemple
Effectivement sur la persienne, moi je suis numéro deux, juste derrière le leader, je donne le tempo afin que tous les avions s’alignent sur moi. Il faut que je confonde le leader avec le point central et je dois corriger ma position tout le temps pendant le passage. Je dois avancer, avancer, avancer pour que les avions n’apparaissent jamais jusqu’à la libération.
Pas de regret ?
J’ai une chance incroyable de faire ce métier parce que des patrouilles acrobatiques comme ça dans le monde, il y en a très peu et c’est un savoir-faire français qu’il faut préserver absolument puisque c’est un symbole de la France. C’est un très beau métier, c’est vraiment un super métier. En escadron de chasse, on a assez peu l’occasion de pouvoir montrer ce qu’on fait à d’autres personnes. La Patrouille de France, elle est faite pour ça. Le but est de montrer au public ce qu’est le métier pilote dans l’armée de l’air et de l’espace, ce qu’est l’armée de l’air, de l’espace et ce que sont les armées en général. On a cette chance d’être la vitrine de l’armée de l’air et de l’espace et de montrer un peu du savoir-faire des techniciens, des mécaniciens, des chargées communication, du secrétariat, de tout ceux qui nous entourent.
Merci au Capitaine Nicolas pour sa disponibilité et à la cellule communication, ASP Lucie, pour l’organisation de cette rencontre.